La politique d’installation et de transmission en agriculture passée au crible
La Cour des comptes a été saisie le 18 janvier 2022 par le président de la Commission des finances du Sénat, d’une demande d’enquête portant sur l’installation des agriculteurs et la transmission des exploitations agricoles. L’enquête révèle une inadéquation de la politique actuelle prenant trop peu en compte la diversité de l’agriculture et un système d’aides qui bénéficie essentiellement aux moins de 40 ans. La question du renouvellement des générations est pourtant cruciale comme l’ont montré les chiffres du dernier recensement agricole : de plus de 2,5 millions en 1955, la population des exploitants est passée à 764 000 en 2000 et à 496 000 en 2020. Corollaire de cette évolution, le nombre des exploitations agricoles a diminué aussi fortement, pour se situer en France métropolitaine à 389 000 en 2020.
Un accompagnement à l’installation lacunaire
Le programme d’accompagnement à l’installation et à la transmission en agriculture (AITA) souffre de plusieurs lacunes tandis que se diversifient les pratiques et l’origine professionnelle et familiale des candidats à l’installation, constate la Cour des comptes : « les structures chargées d’accueillir et de conseiller les candidats sont insuffisamment ouvertes à la diversité des modèles agricoles ». Le manque d’individualisation des plans de professionnalisation personnalisés (PPP) et la méconnaissance des flux de population sont également épinglés. En 2021, les points « accueil installation » et les centres d’élaboration du plan de professionnalisation personnalisé (CEPPP), principaux dispositifs du programme, ont accueilli respectivement 20 786 et 7 600 candidats.
Conséquence, « les objectifs de recours à la dotation jeune agriculteur ne sont pas atteints », environ la moitié de la population éligible ne la demande pas. En parallèle, les candidats de plus de 40 ans (non éligibles), en général extérieurs au parcours agricole classique, certains en reconversion professionnelle soit un tiers des installations, ne peuvent prétendre qu’à 9 % des aides publiques consacrées à l’installation, explique la Cour des comptes.
Alors que démarre un nouveau cycle de la PAC et que les régions voient leurs pouvoirs renforcés, un rééquilibrage des dispositifs en faveur des plus de 40 ans, de même qu’une approche territoriale et orientée vers la durabilité économique, sociale et environnementale des exploitations sont recommandés par les magistrats financiers.
Une politique de transmission peu investie
La politique de transmission des exploitations agricoles est également pointée du doigt. « Le volet transmission reste peu investi, signe d’une approche plus patrimoniale qu’économique de cette étape de la vie des exploitations. À l’exception des mesures fiscales, les outils proposés par l’État sont utilisés par peu de cédants, pour environ 1 M€ par an ».
Les sources d’information précises et objectives susceptibles d’éclairer les agriculteurs dans leurs projets de fin d’activité sont « rares et peu accessibles ». De même, « l’information sur les actions menées, les moyens engagés et les initiatives déployées sur l’ensemble du territoire pour accompagner les cessions et les transmissions fait défaut ».
Par ailleurs, certaines difficultés structurelles entravent la transmission et l’installation : prix des exploitations complexes à fixer, marché peu transparent, inadéquation entre exploitations à céder et souhaits des nouveaux agriculteurs, concurrence entre installation et agrandissement, concurrence de générations entre nouveaux agriculteurs et propriétaires recourant au travail délégué. « Ces freins structurels devraient être mieux pris en considération par les exploitants afin de garantir à tout moment la meilleure transmissibilité de leur exploitation et par les pouvoirs publics afin de mieux adapter les politiques ».
Quelles recommandations ?
Face à ce constat, les magistrats financiers proposent quatre recommandations :
- Mettre en place un réseau d’observatoires régionaux alimentant l’observatoire national de l’installation-transmission (ONIT) selon un protocole commun de recueil des données ;
- Conditionner la désignation des structures chargées du programme d’accompagnement à l’installation et à la transmission, à l’engagement de nouer des partenariats représentatifs des divers modèles agricoles et en contrôler le respect ;
- Réaliser un bilan du fonctionnement des répertoires départ-installation, assurer leur mise en réseau et constituer une base nationale permettant des extractions régionales ;
- Renforcer l’accompagnement des cédants souhaitant transmettre leur exploitation par un « bouquet transmission » (diagnostic d’exploitation et conseil, inscription au répertoire départ installation, coopération test sur un an, transmission globale du foncier) et prévoir un guichet unique d’instruction.