L’agrivoltaïsme : une solution dans la stratégie solaire française
Faute de définition légale ou réglementaire, les travaux menés conduisent à définir l’agrivoltaïsme comme une production d’électricité décarbonée d’origine photovoltaïque sur des terres agricoles qui peuvent servir à la culture ou à l’élevage. Cela implique la coexistence d’une production électrique significative et d’une production agricole significative, sur une même emprise foncière. Autrement dit, la pose de panneaux sur la toiture de bâtiments agricoles n’entre pas ce cadre, tout comme l’implantation de centrales au sol.
Une piste prometteuse
Alors que la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) fixe des objectifs de développement de la production d'électricité d’origine photovoltaïque compris entre 35,1GW (option basse) et 44 GW (option haute), d’ici 2028, à la fin du troisième trimestre 2021, seuls 12,3 GW d’installations photovoltaïques avaient été installés en France. Atteindre les objectifs de la PPE impliquerait la réalisation d’une production d’électricité d’origine photovoltaïque sur 30 000 ha. Cette estimation émanant du ministère de la Transition écologique concerne toutes les surfaces disponibles, y compris les toitures. A l’aune de ces résultats, l’agrivoltaïsme se présente comme une piste prometteuse pour améliorer notre mix énergétique et in fine garantir notre souveraineté énergétique.
Selon les corapporteurs, l’agrivoltaïsme permettrait également de répondre au défi de la viabilité économique des exploitations agricoles ; avec ce complément de revenu tiré de la production d’électricité, les agriculteurs sécuriseraient leur modèle économique. Par ailleurs, les auteurs y voient une porte vers la transition écologique du secteur agricole. « Ce complément de revenus peut aider les agriculteurs qui le souhaitent à s’engager dans la transition écologique, notamment pour se convertir en agriculture biologique. L’agrivoltaïsme peut contribuer à aider les agriculteurs à diversifier leur production, à modifier les rotations culturales, ce qui peut leur permettre de réduire leurs besoins en produits phytosanitaires et de ce fait avoir un effet positif sur la biodiversité. Il peut aussi accompagner un processus d’amélioration de la qualité des sols. »
Des obstacles à lever
Pour atteindre les objectifs du PPE, les pouvoirs publics soutiennent le développement du photovoltaïque en procédant par appels d’offre, instruits par la commission de régulation de l’énergie (CRE). A l’heure actuelle, le cahier des charges des appels d’offre pour les projets d’agrivoltaïque exige une synergie entre la production agricole et électrique, mais également un aspect innovant. Lors du dernier appel d’offre « solaire photovoltaïque innovant », 31 projets agrivoltaïques ont été retenus et selon les informations transmises aux rapporteurs, peu d’installations candidates intégraient une réelle dimension innovante, difficilement démontrable.
L’essor de tels projets passe aussi par un accès aux aides de la PAC. Les parlementaires proposent de modifier le point IV de l’article 8 de l’arrêté du 9 octobre 2015. Celui-ci précise que « les surfaces agricoles déclarées au titre du régime de paiement de base peuvent être utilisées aux fins d'activités non agricoles si les activités agricoles peuvent être exercées sans être sensiblement gênées par l'intensité, la nature, la durée et le calendrier des activités non agricoles ». Cet usage non agricole ne doit pas « dégrader la structure du sol, ni entrainer la destruction du couvert, ni remettre en cause le respect des bonnes conditions agricoles et environnementales de la parcelle ». En outre, il est limité dans le temps. L’activité non agricole ne peut avoir lieu que sur une « durée maximale de quinze jours consécutifs et, pour les parcelles en grandes cultures, avoir lieu après la récolte ou pendant la période hivernale ». De ce fait, la réglementation en vigueur ne permet pas de prendre en compte la spécificité de l’agrivoltaïsme.
Par ailleurs, concrétiser un projet s’avère complexe. Les porteurs de projets ont affaire à de nombreux interlocuteurs : commission de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), services instructeurs dépendant de la préfecture, chambre d’agriculture. La mission préconise de faciliter et simplifier le parcours administratif. Ensuite, elle juge nécessaire de relever le seuil de puissance électrique à partir duquel un permis de construire est requis. Aujourd’hui, les installations dont la puissance crête est supérieure à 250 kW font l’objet d’une demande de permis de construire et d’une évaluation environnementale. En outre, la compatibilité entre les installations d’énergie et la production agricole doit être démontrée pour l’obtention du permis de construire, après consultation de la CDPENAF.
Une expansion équilibrée et maitrisée
L’écueil consisterait en un développement irraisonné qui conduirait à augmenter les loyers des terres agricoles, à accroitre la spéculation foncière mais aussi à détourner les terres agricoles de leur vocation première, à savoir la production alimentaire. Rappelons, que la France a perdu le quart de sa surface agricole au cours des cinquante dernières années. Le sujet appelle donc un encadrement juridique clair – et non une déréglementation - qui permettrait aux agriculteurs de profiter de cette opportunité sans perdre de vue leur vocation première, celle de nourrir. L’actualité tragique nous le rappelle. Assurément le secteur agricole sera un acteur majeur dans la construction des futures politiques publiques.