Les dossiers agricoles de cette fin de quinquennat
1. Le chantier de la PAC : les premiers arbitrages
La nouvelle Politique Agricole Commune (PAC) devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2023, soit près de quatre ans après que la Commission de l’UE ait présenté ses propositions. Il faut dire que le budget alloué à cette politique a longtemps cristallisé le débat jusqu’à ce qu’un accord ait été trouvé le 21 juillet 2020 lors des négociations du cadre financier pluriannuel (2021-2027) de l’Union européenne.
Les projets de règlements européens, introduisent une innovation : l’élaboration par chaque Etat membre d’un Plan stratégique national (PSN) dont le but est de définir les interventions et modalités de mise en œuvre à l’échelle nationale de la future PAC. Ce texte cadre s’article autour d’objectifs définis à l’échelle européenne.
Après une très large concertation de plusieurs mois, Julien Denormandie a présenté, vendredi 21 mars 2021, les premiers arbitrages du PSN visant à :
- consolider une production qualitative
« L’ADN de notre agriculture, c’est la qualité. Cette qualité a un coût, et il faut le rémunérer ». Pour consolider les revenus des agriculteurs, le ministre a décidé :
- de ne pas augmenter les transferts du premier pilier vers le second pilier (taux maintenu à 7,53 %) ;
- de maintenir le taux du paiement redistributif à 10% des paiements directs, sur les 52 premiers hectares ;
- de porter le taux de la convergence de 70% à 85%, avec un mécanisme limitant les pertes induites par ce changement à 30% ;
- de maintenir l’ICHN. Le ciblage de l’ICHN sur les secteurs d’élevage sera également maintenu.
- accompagner la transition agroécologique
« Certains outils d’accompagnement doivent évoluer mais sur une base objective, une ambition productive, qualitative, agroécologique, créatrice de valeur ». Pour ce faire :
- la conditionnalité passe de 30 % des paiements directs à 100 % des paiements directs et des aides surfaciques du second pilier.
- l’éco-régime (2) est accessible à tous et offre des marges de progression atteignables. Le ministre a également souhaité un éco-régime simple, avec deux niveaux (standard et supérieur) et doté de trois voies d’accès (pratiques, certifications environnementales, infrastructures agroécologique – IAE). Les différents paramètres et critères sont encore en cours de finalisation. De même, l’enveloppe allouée à l’éco-régime est toujours en débat à Bruxelles.
- l’enveloppe d’aide à la conversion en Bio est en hausse, elle passe de 250 M€/an à 340 M€ (une trajectoire de conversion a été fixée à 18 % minimum en 2027, cela conduit à doubler les surfaces d’ici 2027).
- investir dans l’agriculture de demain
« La future PAC sera aussi une politique d’investissement pour la souveraineté et la transition ». Le ministre prévoit :
- de maintenir les enveloppes des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) à 260 M€ par an. Un montant de 30 M€ de MAEC sera redéployé en direction des zones à faible potentiel agronomique, telles que les zones intermédiaires, au bénéfice notamment des systèmes d’exploitation de grande culture et de polyculture-élevage
- plus de moyens pour les Régions : il est proposé que 33 M€ du FEADER soient alloués chaque année aux Régions, ils s’ajoutent aux 645 M€ de crédits européens, afin d’accompagner l’installation des jeunes. (Objectif : 7 500 installations par an).
- sortir des dépendances
« Le sujet de la souveraineté est le sujet le plus important auquel nous devons aujourd’hui faire face », déclarait Julien Denormandie lors du débat sur la souveraineté alimentaire organisé pendant la semaine de l’Agriculture française qui se déroulait du 13 au 24 mai. Pour relever le défi, le ministre propose :
- d’augmenter les aides couplées protéines pour atteindre 3,5 % des paiements directs en 2027.
- de renforcer l’enveloppe destinée à l’assurance récolte : 186 M€ par an en moyenne sur la période 2023-2027, contre 150 M€ cette année. (Sur les moyens mobilisés par la Plan de Relance : voir Flash Info du 11 janvier 2021 ICI). Le ministre entend aussi reformer en profondeur l’assurance récolte. Plusieurs pistes ont déjà été couchées sur le papier par le député Frédéric Descrozaille du Val de Marne (LREM) (2). Ce sera l’un des premiers travaux du Varenne agricole de l’eau et du changement climatique qui doit débuter dans les prochains jours.
- créer de la valeur sur les territoires
Le ministre compte mettre en place :
- un nouveau mécanisme d’aide à l’unité gros bovins (UGB) de plus de 16 mois : enveloppe commune aux secteurs bovins lait et viande.
- une aide couplée en faveur du maraîchage, de 10 millions d'euros,
Les autres aides couplées végétales sont maintenues. Enfin, les modes d’intervention du programme national viticole, du programme apicole et des fonds opérationnels dans le secteur des fruits et légumes sont également globalement inchangés.
Les prochaines étapes
Nombre de paramétrages du PSN sont encore en cours de finalisation, les discussions vont donc se poursuivre avec les acteurs des filières et les institutions européennes pour affiner les dispositifs. L’objectif du ministère de l’Agriculture étant que l’ensemble du PSN soit rédigé d’ici l’été. Il fera ensuite l’objet d’une évaluation environnementale et d’un débat public. Ces derniers permettront d’ajuster à nouveau la proposition pour un envoi final à la Commission européenne avant le 1er janvier 2022. L’entrée en vigueur de la nouvelle PAC est prévue dès le 1er janvier 2023.
2. Les autres chantiers agricoles
Un « Varenne agricole de l’eau et de l’irrigation et du changement climatique » sera lancé le 28 mai 2021. Les politiques et outils de protection face aux aléas climatiques et de gestion du risque en général, et en particulier la refonte du système d’assurance récolte y seront abordés, tout comme l’épineuse question de la gestion de l’eau.
Le ministre de l’Agriculture a également confirmé l’examen par le Parlement de la proposition de loi « Egalim 2 » du député Besson-Moreau avant la fin du mois de juin (voir notre article d’avril 2021 ICI). Mais avant, les députés vont devoir se pencher, dès ce mardi 25 mai, sur une autre proposition de loi destinée à réguler l’accès au foncier agricole du député Jean-Bernard Sempastous (Voir notre Flash Info du 18 février 2021 ICI)
(1) La future PAC intègre un nouveau paramètre, appelé «éco-système», qui renforcera l'action nationale en matière de protection de l'environnement et du climat, en fonction des besoins et de la situation au niveau local. Chaque Etats doit concevoir et proposer un ou plusieurs éco-systèmes.
(2) Frédéric Descrozaille a rendu le 21 avril 2021 son rapport sur la gestion des risques en agriculture au ministre de l’Agriculture. Il préconise de repenser l’articulation entre intervention de l’Etat et développement des produits d’assurance, d’encourager la culture de la gestion des risques, d’appliquer en totalité ce que permet le Règlement Omnibus, et d’utiliser le levier de la DEP. L’auteur du rapport envisage aussi différentes sources de financement fondées en partie sur la solidarité nationale.