L’essentiel du marché des terres et des vignes en 2023
Une note positive ! L’artificialisation des sols est en repli, a déclaré Emmanuel Hyest, Président de la Fédération Nationale des Safer lors de la présentation des données chiffrées des marchés fonciers ruraux 2023, même si l’an passé la France a encore perdu 13 000 hectares d’espaces agricoles et naturels destinés au marché de l’urbanisation. Mais un phénomène plus « pernicieux » menace directement le patrimoine agricole et rural : la consommation masquée du foncier agricole. « Il s’agit d’achats de terres par des non-agriculteurs conduisant à un changement d’usage ». Ces parcelles seraient « vraisemblablement destinées à des usages de loisirs, de stockage informel, d’aménagements souvent illicites ou dans une stratégie de mise à distance du voisinage ou encore d'anticipation de l’urbanisation ». Les indicateurs mis en place par le Groupe Safer révèlent qu’entre 15 000 et 20 000 hectares par an sont détournés de leur vocation agricole.
Par ailleurs, la Fnsafer publie, cette année, la première analyse après l’entrée en vigueur, début 2023, du nouveau cadre juridique instauré par la loi dite Sempastous. « Si les chiffres ne permettent pas d’établir des comparaisons avec les années précédentes, nous pouvons d’ores et déjà constater que la loi apporte de la transparence sur plus de 900 000 hectares concernés par une opération sociétaire au cours de l’année 2023 », a expliqué son Président.
Zoom sur le marché sociétaire
8 280 déclarations relatives à une ou plusieurs opérations sociétaires ont été recensées en 2023. Elles concernent 7 220 sociétés et 11 840 cessionnaires ou bénéficiaires. Les surfaces cumulées des sociétés concernées atteignent un total de 1 062 300 ha. Toutefois, en ne comptabilisant qu’une seule fois les surfaces des sociétés qui ont fait l’objet de plusieurs déclarations (soit 116 900 ha au lieu de 255 900 ha), ce total est ramené à 923 300 ha. Enfin, la valeur globale du marché sociétaire a été de 1,85 milliard d’euros.
74,4 % des déclarations concernent des cessions de parts ou d’actions, auxquels s’ajoutent 12,3 % associant des cessions et d’autres opérations sociétaires (réduction ou augmentation du capital ; modification des droits de vote ; transformation de la société), pour un total de 7 180 déclarations. 13,3 % (1 100) concernent uniquement ces autres formes d’opérations.
L’analyse des 7 180 déclarations concernant des cessions de parts montre une majorité de cessions partielles. Toutefois, « le nouveau cadre d’observation affiche une proportion deux fois supérieure de cessions totales (100 % du capital cédé), comparativement aux sept années observées précédemment, soit 7 %, contre 3 à 4 % ».
Près de deux tiers (63 %) des 7 180 déclarations ont lieu entre membres d’une même famille, pour une part similaire en surface (64 %) mais moindre en valeur (37 %). Les cessions entre associés non familiaux affichent des proportions limitées (respectivement 6 %, 7 % et 7 %). Enfin, les cessions en faveur d’un tiers, n’étant ni parent du cédant, ni associé de la société, représentent un peu moins d’un tiers en nombre (31 %) et en surface (29 %) mais 55 % de la valeur des cessions.
Enfin sur les 7 180 déclarations, 95,6 % concernent des cessionnaires résidant en France, 3,1 % associent des cessionnaires résidant en et hors de France, et seulement 1,3 % affichent uniquement des cessionnaires résidant hors de France. En surface, ces pourcentages sont respectivement de 98,3 %, 0,8 % et 0,9 %. En valeur, ils sont de 93,4 %, 0,9 % et 5,7 % : la part en valeur des bénéficiaires hors de France est 4 fois plus importante que celle en nombre.
Bilan mitigé du marché foncier agricole
Les données publiées par la Fnsafer montrent également un prix des terres et prés libres en légère hausse par rapport à 2022 : +1,5 %, à 6 200 euros/ha (prix moyen). Le prix en grandes cultures progresse plus nettement (+ 4,8 %, 7 710 €/ha). En revanche, dans les zones d’élevage bovin, il se rétracte : 4 630 €/ha (- 0,3 %). Le prix des terres et prés loués s’affermit quasiment dans les mêmes proportions que le prix des biens libres : + 1,4 %, soit 5 120 euros/ha (prix moyen).
Après deux années de progression du marché des terres et prés, les transactions marquent le pas sur l’année 2023. Le nombre de ventes recule de 1,5 % même s’il demeure au-delà de la barre des 100 000 pour la troisième année consécutive. Et les surfaces échangées accusent une baisse de 5,3 %. En revanche, la valeur totale du marché augmente de 4,9 % et reste au-delà des 7 milliards d’euros.
Le marché des vignes touché par la crise viticole
Toujours en 2023, le prix des vignes AOP gagne 1,5 %, soit un prix moyen de 153 500 €/ha, « tiré à la hausse par certaines appellations prestigieuses qui continuent de progresser, de manière mesurée (Champagne, Vaucluse) ou encore vive (Côte-d’Or) ». La crise du vin rouge se propageant désormais aux appellations intermédiaires du Bordelais (Médoc, Haut-Médoc, Satellites de Saint-Emilion) et se confirme dans les Côtes du Rhône, ajoute la Fnsafer. Quant au prix des vignes à eaux-de-vie AOP, il baisse brusquement de 6,4 % (56 600 €/ha), après six années d’augmentation annuelle comprise entre 3 % et 8 %, conséquence directe du recul des volumes exportés : - 22 % en moyenne et - 45 % en particulier vers les Etats-Unis. Enfin, le prix des vignes hors AOP, recul de 1,8% (15 000 €/ha).
En hausse en 2021 et 2022, le nombre de transactions enregistrées sur le marché foncier viticole se replie de 7,6 % en 2023 (8 770 transactions). Les surfaces enregistrent leur plus forte baisse (- 12,8 %) depuis 2009 (à l’exception de la période Covid en 2020). « Ces baisses s’expliquent en grande partie par les bassins Bordeaux-Aquitaine et Vallée du Rhône-Provence, affectés à des degrés différents par la crise touchant le vin rouge ». En revanche, soutenue par quelques ventes d’exception, la valeur repart à la hausse (+ 15,8 %) et demeure au-dessus du milliard d’euros pour la troisième année.