La loi climat instaure le Plan « Eco-Azot »
A l’article 268, le législateur a inséré après la section 1 du chapitre V du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime, une section 1 bis intitulée « Plan d'action national en vue de la réduction des émissions d'ammoniac et de protoxyde d'azote liées aux usages d'engrais azotés minéraux ». Le nouvel article L255-1-1 du CRPM est ainsi rédigée : « afin d’atteindre l’objectif de réduction de 13 % des émissions d’ammoniac en 2030 par rapport à 2005 et l’objectif de réduction de 15 % des émissions de protoxyde d’azote en 2030 par rapport à 2015, (selon une trajectoire annuelle qui sera déterminée par décret), il est mis en place un plan d’action national en vue de la réduction des émissions d’ammoniac et de protoxyde d’azote liées aux usages d’engrais azotés minéraux ». Ce plan permettra de vérifier, grâce à des indicateurs si les objectifs sont remplis. Il est précisé qu’il est arrêté après avis d’une instance de concertation et de suivi associant l’ensemble des parties prenantes, probablement sur le modèle de la gouvernance mise en place pour le plan d'action national pour une utilisation durable des produits phytopharmaceutiques (art. L253-6 CRPM). Un décret est attendu.
Le nouvel article L255-1-1 du CRPM fixe également le contenu de ce plan, qui devra présenter et valoriser « l’ensemble des démarches et pratiques contribuant à une meilleure identification des impacts associés et des moyens de réduire les émissions d’ammoniac et de protoxyde d’azote liées aux quantités utilisées d’engrais azotés minéraux, à la promotion de leur utilisation raisonnée et à l’accompagnement de l’évolution des pratiques culturales et agronomiques, en prenant en compte les enjeux sanitaires, environnementaux et économiques ». Il devra établir « un inventaire des technologies disponibles ainsi que la liste des financements publics et des mesures destinés à la recherche, à la formation et au soutien des exploitants agricoles en vue de développer des solutions et pratiques plus raisonnées ou alternatives et de promouvoir le recours aux engrais azotés organiques et à des équipements permettant une meilleure performance sur le plan environnemental ».
Développer l’accompagnement, plutôt que des moyens coercitifs
Le législateur fait également savoir (III) qu’au regard des objectifs de la politique publique en faveur du climat, dans le cadre du suivi du plan, s’il est constaté pendant deux années consécutives que les objectifs de réduction des émissions d’ammoniac et de protoxyde d’azote liées à la consommation d’engrais azotés minéraux ne sont pas atteints, il est envisagé de mettre en place une redevance sur l’usage des engrais azotés minéraux. Sénateurs et députés, réunis en commission mixte paritaire (CMP), se sont entendus pour ajouter un garde fou. La mise en place de cette redevance ne serait toutefois porter atteinte à la viabilité économique des filières agricoles concernées et accroître d’éventuelles distorsions de concurrence avec les mesures en vigueur dans d’autres Etats membres de l’Union européenne.
Enfin, un rapport du Gouvernement au Parlement est prévu, dans « une démarche prospective et d'anticipation ». Ce rapport, qui devra être remis dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, devra analyser les conditions, notamment de taux, d’assiette et d’affectation des recettes à la transition agroécologique, dans lesquelles cette éventuelle redevance pourrait être instaurée. Le rapport devra en étudier l’impact économique, social et environnemental, en particulier ses conséquences sur la viabilité économique des exploitants agricoles par filière. Des taux différenciés en fonction des facteurs d’émission d’ammoniac et de protoxyde d’azote des différents types d’engrais pourraient, par exemple, être suggérés.
A l’origine, le texte du Gouvernement prévoyait de mettre en place une redevance sur les engrais azotés minéraux, si les objectifs annuels de réduction des émissions d'ammoniac et de protoxyde d'azote définis par décret n’étaient pas atteints pendant deux années consécutives et sous réserve de l'absence d'adoption de dispositions équivalentes dans le droit de l'Union européenne. Face aux inquiétudes de la profession qui voyait une nouvelle distorsion pénalisant les agriculteurs français, le Sénat a revu de fond en comble l’article 62 (devenu 268 ), renversant la logique prévue par le Gouvernement et proposant, « plutôt qu'une solution coercitive dont les effets sur la maîtrise des émissions concernées sont loin d'être garantis, un accompagnement des agriculteurs dans la réduction de leurs émissions d'ammoniac et de protoxyde d'azote, dans le cadre d'un plan national Eco'Azot». Et ce n’était qu’à défaut de réussite de ces mesures d'accompagnement et si les objectifs de réduction des émissions concernées n’étaient pas atteints pendant trois années consécutives, qu’il était envisagé de mettre en place une redevance, mais sous réserve de l'adoption de dispositions équivalentes dans le droit de l'Union européenne. Selon les rapporteurs du Sénat, le dispositif gouvernemental était inadapté tenant pour preuve, les quelques pays de l’UE qui avaient fait le choix d'instaurer une taxe et qui ont par la suite fait marche arrière. Tels est le cas de l’Autriche, de la Finlande et de la Suède.
D'après les données d'Eurostat synthétisées par la DGEC (Direction générale de l’énergie et du climat), le France est en 2018 la première consommatrice européenne, en volume, d’engrais azotés minéraux avec un peu plus de 2,1 Mt, contre 1,5 Mt en Allemagne, 1,2 Mt en Pologne ou encore 1 Mt en Espagne. Toutefois, rapportée à la SAU, la consommation française se situe dans la fourchette des 80 à 100 kg/ha, inférieure aux valeurs observées en Belgique, au Pays-Bas, au Danemark et en République Tchèque, même si elle reste supérieure à celles des pays du Sud de l'Europe, des pays scandinaves et baltes. Ces mêmes données établissent également, en dépit de variations annuelles, que la tendance de la consommation nationale n'est plus à la baisse depuis 2010.