Le Sénat propose une loi en faveur du développement de l’agrivoltaïsme
La France s'est fixée pour objectif d'atteindre 40% d'électricité issue d'énergies renouvelables à l’horizon 2030. Cet objectif de la transition énergétique impose de diversifier et de décarboner notre mix énergétique. Dans ce contexte, le développement massif du photovoltaïque apparaît incontournable, d’où cette proposition de loi émanant de plusieurs Sénateurs du groupe Les Indépendants-République et Territoires.
Mais comment concilier la protection des terres agricoles et le développement des énergies renouvelables ?
Dans une nouvelle section du Code de l’énergie (section 7, chapitre IV du titre Ier du livre III du code de l'Energie) intitulée « Dispositions spécifiques à la production d'électricité à partir d’installations agrivoltaïques », les auteurs du texte donnent une définition de l'agrivoltaïsme fondée sur le maintien ou le développement durable d’une activité agricole significative (nouvel article L.314-36 du Code de l’énergie). Répond à ces critères « toute installation qui apporte directement à la parcelle au moins deux des services suivants sans porter atteinte aux autres et en assurant un revenu durable et probable issu de cette production : l’amélioration du potentiel agronomique de la parcelle, de l’écosystème agricole, du bilan carbone ou du verdissement ou le retour de l’avifaune, en cas de maintien ou de changement de la pratique agricole ou de la nature de culture ; l’adaptation au changement climatique ; la protection contre les aléas ; l’amélioration du bien-être animal ». Cette définition est bornée par deux conditions : le caractère démontable des installations et une surface d’emprise telle que l'activité agricole reste l'activité principale de la parcelle concernée. Ainsi défini, l'agrivoltaïsme ne se présente pas uniquement comme des installations photovoltaïques mais bien comme un procédé innovant en synergie avec l'activité agricole. Paradoxalement, le droit rural demeure en retrait de cette évolution. L’aménagement de l’article L311-1 du Code rural et de la pêche maritime eut permis de gagner en clarté et de sécuriser les relations entre propriétaires et fermiers.
Par ailleurs, le texte apporte un soutien particulier à ces installations tant au regard de l’obligation d’achat d’électricité par rapport aux installations photovoltaïques « simples » (nouvel article L314-37 du Code de l’énergie) que de l’éligibilité aux aides PAC (nouvel article L314-39 du Code de l’énergie). Cet article prévoit que « l’exploitation d’une installation agrivoltaïque sur une surface agricole déclarée au titre du régime de paiement de base ne peut conduire en elle-même à considérer cette surface comme n’étant pas essentiellement utilisée à des fins agricoles ». Selon les rapporteurs, cette mention dans la loi aura pour effet de rendre caduc l’arrêté de 2015 en tant qu’il fait automatiquement obstacle à l'éligibilité des aides PAC aux surfaces accueillant des installations agrivoltaïques. Ce problème est régulièrement pointé du doigt. En février dernier, un rapport de la commission du développement durable et de l’aménagement de l’Assemblée nationale proposait déjà de modifier le point IV de l’article 8 de l’arrêté du 9 octobre 2015 (voir notre article de mai 2022 ICI). Rappelons qu’aux termes de celui « les surfaces agricoles déclarées au titre du régime de paiement de base peuvent être utilisées aux fins d'activités non agricoles si les activités agricoles peuvent être exercées sans être sensiblement gênées par l'intensité, la nature, la durée et le calendrier des activités non agricoles ». En outre, ledit article limite dans le temps l’activité non agricole. Cette dernière ne peut avoir lieu que sur une « durée maximale de quinze jours consécutifs et, pour les parcelles en grandes cultures, avoir lieu après la récolte ou pendant la période hivernale ».
L’autre levier d’action dans le développement de l’agrivoltaïsme suggéré par les Sénateurs consisterait à assouplir le droit de l’urbanisme. Dans le nouvel article L314-40 du Code de l’énergie, « sauf disposition contraire du plan local d’urbanisme ou du document en tenant lieu, les installations agrivoltaïques sont autorisées dès lors qu’elles ne présentent pas de danger pour la sécurité des personnes et des biens et ne sont pas de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux sites et paysages remarquables ». Concrètement, cela aboutirait à prévoir que les installations agrivoltaïques sont autorisées de droit sauf si elles présentent un danger pour les personnes ou les biens ou si elles portent atteinte à l’environnement ou aux paysages ou si le plan local d'urbanisme prévoit des conditions plus strictes. La proposition de loi conseille que toute demande d’autorisation soit soumise à l’avis de la commission départementale de la préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers mentionnée à l’article L. 112-1-1 du Code rural et de la pêche maritime.
Le Sénat avait déjà adopté, le 4 janvier 2022, une résolution tendant au développement de l'agrivoltaïsme en France. Cette proposition de loi s’inscrit dans la même philosophie. Selon l’ADEME, la production d’énergies renouvelables du secteur agricole est amenée à être multipliée par trois d’ici 2050 pour concerner près de 280 000 exploitations agricoles, une évolution des textes est inéluctable.