Confirmation de la situation des élus locaux dans l’éligibilité aux revalorisations des retraites agricoles
Jusqu’à peu, les retraités exerçant des fonctions électives locales étaient privés de l’accès à divers minima de pensions et majorations de réversion. Ces élus locaux percevant une pension de retraite continuent à se créer des droits à retraite complémentaire au titre de leur fonction auprès de l’Ircantec(1) sur la base d’une lettre ministérielle du 8 juillet 1996. Or, cette disposition faisait obstacle à l’attribution de certains minima de pensions et de majorations de réversion dans la mesure où leur obtention dans le régime général et celui des non-salariés agricoles est conditionnée à la liquidation par l’assuré de l’ensemble de ses pensions de retraite auprès des régimes obligatoires de base et complémentaires. Sauf à démissionner de leur mandat, ils ne pouvaient satisfaire à cette condition de subsidiarité. Notons que cette mesure instaurée en 1996 bien que contraire à une disposition législative postérieure visée à l’article L. 161-22-1 A du code de la sécurité sociale, a été maintenue. En effet, depuis la réforme dite « Touraine » (2), la reprise d'une activité par le bénéficiaire d'une pension de retraite personnelle versée par un régime obligatoire de base et ayant pris effet à compter du 1er janvier 2015 n'ouvre pas de nouveaux droits à pension de base ou complémentaire.
A titre d’exemple, dans le régime des non-salariés agricoles, pour être éligible à la majoration de retraite personnelle, les chefs d’exploitation doivent avoir fait valoir l'intégralité de leurs droits en matière d'avantage de vieillesse auxquels ils peuvent prétendre auprès des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi qu'auprès des régimes des organisations internationales (art. L.732-54-1 du code rural et de la pêche maritime). Cette même condition prévaut pour l’attribution du complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire (art. L. 732-63 du code rural et de la pêche maritime). Tel est le cas également de la majoration de la pension de réversion. Pour en bénéficier le conjoint survivant doit avoir fait valoir ses avantages personnels de retraite et de réversion auxquels il peut prétendre auprès des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi qu'auprès des régimes des organisations internationales (art. L732-51-1 du code rural et de la pêche maritime). La constitution de droits à pension auprès de l’Ircantec au titre d’un mandat d’élu local ne permettait pas de satisfaire à cette condition sauf à renoncer audit mandat et à liquider la pension afférente.
Cette situation a été corrigée, dans un premier temps, par une lettre interministérielle du 25 mars 2022. Le Gouvernement a donné instruction aux directeurs de l'Ircantec, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) et de la CCMSA de « ne pas tenir compte durant leur mandat des droits en cours de constitution à l'Ircantec par les élus locaux bénéficiaires du dispositif dérogatoire institué par la lettre interministérielle de 1996 » pour l'attribution des minima de pension et des majorations de réversion et donc de déroger, tout en précisant qu' « une fois liquidés, ces droits devront être pris en compte dans le calcul des minima de pension ».
Puis, lors des débats sur la Loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, les Parlementaires ont donné une base légale à la lettre ministérielle du 25 mars 2022. Aux termes de l’article 11 de la Loi précité, les droits en cours de constitution auprès de l'Ircantec au titre des indemnités de fonction des élus concernés « ne sont pas pris en compte » pour l’attribution des minimas de pension et majorations de réversion. Par ailleurs, ce même article inscrit dans le marbre la dérogation aux règles de droit commun en matière de cumul emploi-retraite applicable aux élus locaux percevant des indemnités de fonctions, donnant une base légale à la lettre ministérielle du 8 juillet 1996.
(1) Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’Etat et des collectivités publiques.
(2) Loi n°2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’équilibre et la justice du système de retraite, article 19.