La fiscalité des terres agricoles influerait sur l’urbanisation de celles-ci
Des terres agricoles peu taxées en Europe…
L’étude révèle, après avoir listé les principales taxes sur les terres agricoles, une fiscalité globalement modérée en Europe. Par exemple, deux-tiers des pays de l’étude n’imposent pas ou peu les terres agricoles à la taxe foncière sur le non-bâti. De même, les Etats ont tendance à supprimer les droits de mutation à titre gratuit depuis les années 2000 et plus de la moitié de ceux qui les appliquent encore ont mis en place des dispositifs fiscaux en faveur des terres agricoles. Les droits de mutation à titre onéreux suivent une tendance similaire à celle observée pour les droits de mutation à titre gratuit. En revanche, la grande majorité des pays européens étudiés appliquent leur régime général des plus-values immobilières aux terres agricoles, sans exonération. Toutefois, beaucoup d’entre eux exonèrent d'imposition les plus-values immobilières après un temps de détention court ou très court, inférieur ou égal à dix ans.
…mais avec peu de mesures incitant au développement du potentiel écologique
D’une manière générale, les systèmes fiscaux nationaux relatifs aux terres agricoles tendent surtout à favoriser leur rôle de production de denrées. L’objectif des Etats est davantage économique et social, qu’environnemental, visant à soutenir la continuité de l’activité agricole au moment de la transmission, à baisser les charges pour améliorer la rentabilité, à permettre la viabilité des exploitations et soutenir le revenu des agriculteurs.
« La fiscalité des terres agricoles ne semble guère les orienter vers les usages les plus aptes à conserver leur biodiversité, à stocker le plus de carbone ou à mieux concilier leurs rôles de production de cultures et de maintien de la biodiversité des milieux ouverts qui s’érode », déplore le rapport. Pis, elle incite parfois à l’artificialisation des terres agricoles.
A l’heure où l’UE s’engage à atténuer les conséquences du changement climatique et à renforcer sa souveraineté alimentaire, la question de la construction de la fiscalité des terres agricoles, essentiellement basée sur des considérations économiques et sociales, ne mérite-t-elle pas d’être posée, notamment dans le cadre du Green Deal et de la Stratégie européenne de la biodiversité, s’interrogent les rapporteurs.
La France championne de la taxation et de l’artificialisation
Les auteurs se sont également attachés à démontrer les incohérences du cadre fiscal national avec les objectifs environnementaux. « La taxation plus forte des terres agricoles françaises vient diminuer leur rentabilité après impôt voire la fait entrer en zone de rendement négatif, ce qui peut conduire à des pressions accrues pour changement d’usage des sols », explique le rapport, avant d’ajouter que « cette taxation plus élevée peut être mise en relation avec l’artificialisation des sols plus rapide en France qu’en Europe ». A cela s’ajoutent des loyers nettement plus faibles qu’en moyenne dans l’UE, du fait de la réglementation des fermages, plaçant les propriétaires ruraux dans une situation où, « la seule porte de sortie qui leur est laissée, pour tirer un revenu positif net de leur actif, est d’en changer la destination en l’artificialisant. » Le système initié en 1945 a perdu son équilibre et nécessiterait qu’il soit réinterrogé à l’aune des considérations actuels relatives à l’environnement, à la biodiversité et tienne compte de la question de l’artificialisation de sols et de l’étalement urbain, souligne le rapport.
De plus, la valeur ajoutée de l’agriculture qui allait, avant, à l’amont (bailleurs) va aujourd’hui à l’aval (grande distribution, transformation, logistique, conditionnement, transport) et à une autre partie de l’amont (fournisseurs de machines agricole, et d’intrants). Cette nouvelle répartition n’est pas sans incidence sur l’artificialisation des terres agricoles et la biodiversité, concluent les auteurs.