Extinction du bail à construction : la valeur locative du bien n’est pas nulle
Base de calcul de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) de nature industrielle :
Selon l’article 1388 du CGI, la « taxe foncière sur les propriétés bâties est établie d'après la valeur locative cadastrale de ces propriétés ». L’article 1500 du même code renvoie à l’article 1499 pour définir la méthode de détermination de la valeur locative d’un bâtiment ou terrain industriel qui serait inscrit au bilan de son propriétaire.
Cet article 1499 du CGI précise que la valeur locative des immobilisations industrielles est déterminée en fonction du prix de revient de leurs différents éléments, « revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat ».
L’ article 324 AE de l'annexe III du CGI ajoute que le prix de revient en question s’entend de la valeur d’origine pour laquelle les immobilisations doivent être inscrites au bilan en conformité de l’article 38 quinquies de l'annexe III du CGI, qui représente le prix de revient intégral avant application des déductions exceptionnelles et des amortissements spéciaux autorisés en matière fiscale.
Enfin, l’article 38 quinquies de l'annexe III du CGI précise effectivement que les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine, et définit cette valeur d’origine de la façon suivante :
- Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition, c’est-à-dire du prix d’achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus et majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d’utilisation du bien et des coûts d’emprunt dans les conditions prévues à l’article 38 undecies ;
- Pour les immobilisations acquises à titre gratuit, de la valeur vénale ;
- Pour les immobilisations apportées à l’entreprise par des tiers, de la valeur d’apport ;
- Pour les immobilisations créées par l’entreprise, du coût d’acquisition des matières ou fournitures consommées, augmenté de toutes les charges directes ou indirectes de production et des coûts d’emprunt dans les conditions prévues à l’article 38 undecies.
Ces différents renvois dans le CGI rendent quelque peu complexe la méthode de détermination de la valeur locative d’un bien pour la détermination de l’impôt foncier, et peuvent mener le contribuable à « jouer » avec les textes pour réduire son impôt.
Les faits :
La société SC Domaine de L avait conclu un bail à construction au profit de la société M, pour une durée de 30 ans. A l’expiration du bail, la société M a remis, sans indemnité, les bâtiments industriels qu’elle avait édifié sur les terrains loués.
L’administration fiscale, après avoir demandé le paiement de la taxe foncière et de la CFE à la société M, a pris en compte le transfert des biens et a donc finalement mis ces taxes à la charge de la SC Domaine de L.
Pour établir son calcul, l’administration se basait sur une valeur locative déterminée à partir du prix de revient des constructions en cause, pour la société M.
La SC Domaine de L conteste cette méthode et invoque que la valeur locative des biens inscrits à son bilan pour un euro est nulle.
Après un rejet de la demande de la requérante devant le Tribunal administratif, celle-ci a interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Nantes, qui a transmis le pourvoi directement au Conseil d’Etat, estimant que la compétence lui revenait.
Raisonnement du Conseil d’Etat :
Après avoir rappelé les fondements des articles du CGI cités précédemment, le Conseil d’Etat affirme que la valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la TFPB est fixée à partir de leur prix de revient, qui lui-même correspond à la valeur d’origine pour laquelle ces immobilisations doivent être inscrites au bilan du propriétaire.
Ainsi, en cas d’acquisition à titre onéreux, la valeur d’origine représente le prix d’acquisition intégral du bien.
Le juge suprême ajoute que dans le cas d’un bail à construction avec remise sans indemnité au bailleur, les locaux sont considérés comme ayant été acquis à titre onéreux « dès lors qu’une telle remise constitue la fraction en nature de la rémunération par le preneur de la prestation qui lui a été fournie par le bailleur en exécution du contrat ».
Ainsi, la valeur d’origine est déterminée :
- soit directement à partir de la valeur vénale des biens en fin de bail,
- soit indirectement à partir de la fraction également appréciée en fin de bail, de la valeur de marché des loyers que le bailleur a renoncé à percevoir sous forme monétaire pendant la durée du bail.
Autrement dit, dans un cas comme dans l’autre, la valeur locative des biens ne peut être nulle.
Cette position rejoint celle prise par la Compagnie Nationale des Experts Comptables en 2001 quant à la valeur de la construction revenant au bailleur en fin de bail à construction. En effet, dans un bulletin (Bull. CNCC n° 121, mars 2001, EC 2000-57, p.126 s.), le CNCC précise que cette valeur résulte :
- soit directement de sa valeur vénale en fin de bail telle qu’elle aurait pu être estimée au moment de la signature du bail,
- soit indirectement de la valeur de marché des loyers du terrain pendant la durée du bail.
- à défaut de pouvoir déterminer de telles valeurs, elle peut correspondre à sa valeur résiduelle en fin de bail estimée à la date de signature du bail, c’est-à-dire à son coût de construction minoré des amortissements qui auraient été constatés par le bailleur si l’immeuble avait été inscrit à son actif durant le bail.
La société SC Domaine de L ne pouvait donc évaluer son bien à une valeur nulle, même d’un point de vue comptable.