Réforme de la PAC : les recommandations de la Cour des comptes pour réussir la transition agro-écologique
Dans une note à visée pédagogique, publiée fin octobre, la Cour des comptes préconise de mieux valoriser les pratiques agro-environnementales dans le programme stratégique national (PSN) : la déclinaison nationale de la prochaine PAC. Les sages soulignent que les mesures mises en place sur la période 2015-2021 pour soutenir le verdissement de l’agriculture ont eu « peu d’effets concrets », en France et qu’il convient d’en tirer les leçons.
Le projet de programme français axé notamment sur la transition agro-écologique des exploitations agricoles repose sur la conditionnalité des aides, l’éco-régime, les mesures agro-environnementales et climatiques ainsi que sur le soutien à l’agriculture biologique (1). L’éco-régime a vocation à augmenté le niveau des exigences environnementales par rapport au régime des « paiements verts » de la PAC actuelle. Rappelons que le verdissement du premier pilier de la nouvelle PAC concernera 25 % des paiements directs, d’ici 2025. La France propose un éco-régime avec trois voies d’accès : la certification (Certification environnementale de niveau "2+", agriculture bio, agriculture à haute valeur environnementale), les pratiques agricoles, les infrastructures agro-écologiques (IAE) et deux niveaux de paiement : standard ou supérieur. L’enveloppe financière dédiée à l’éco-régime est réduite à 1,7 Md€ contre 2 Md€ pour les « paiements verts » de la PAC actuelle.
Pour la Cour des comptes, il conviendrait de prévoir des modalités d’accès aux éco-régimes suffisamment exigeantes, sélectives et progressives pour inciter aux changements de pratiques. Or, « le label haute valeur environnementale de niveau 3 (HVE) envisagé comme moyen d’accès au niveau supérieur d’éco-régime dans le projet de PSN, n’apporte pas de garantie environnementale suffisante à l’heure actuelle ». La révision des exigences et des voies d’accès à ce label est donc un préalable indispensable pour y adosser le paiement de l’éco-régime, prévient l’Institution. De même, pour éviter les écueils des « paiements verts » dans le futur éco-régime, les sages suggèrent de prioriser un petit nombre de mesures, avec des standards ambitieux et avec des objectifs mesurables, ayant un effet bénéfique pour l’environnement (meilleur ciblage de la protection des prairies et des surfaces d’intérêt environnemental productives, diminution des produits phytosanitaires, diversification des essences forestières etc.). Afin de limiter les écarts de compétitivité, ce travail devrait être réalisé avec les principaux pays européens producteurs et exportateurs.
Mobiliser tous les leviers
La Cour des comptes recommande également plusieurs axes d’amélioration visant à inscrire les mesures du second pilier de la PAC dans une architecture d’accompagnement des exploitations plus cohérente. Par exemple, « dans leur déclinaison nationale, les aides du 1er pilier auraient vocation à récompenser les pratiques agro-écologiques vertueuses tandis que celles du 2nd pilier seraient plutôt destinées à compenser leur coût de mise en œuvre et l’éventuelle perte de revenu induite ».
Mais au-delà, c’est l’ensemble des leviers de l’action publique, et notamment l’application de la réglementation, l’accès au foncier agricole, la gestion des risques ou la rémunération des services environnementaux, qui doivent être mobilisés pour valoriser des pratiques plus respectueuses de l’environnement. « Le levier réglementaire, dès lors qu’il est assorti de contrôles ciblés et de sanctions, reste souvent le moyen le plus efficace d’accélérer les transitions », revendiquent les magistrats. De même qu’ils regrettent que les possibilités existantes de recours à des cahiers des charges environnementaux lors de rétrocessions de terres par les SAFER ne soient pratiquement pas utilisées, les motifs économiques demeurant le critère principal, voire unique, d’attribution.
Cette note de la Cour des comptes fait écho à l’avis rendu par l’Autorité environnementale du CGEDD (2), du 22 octobre 2021, selon lequel les choix inscrits dans le PSN « témoignent d’une absence de prise en compte au juste niveau des enjeux environnementaux auxquels le projet aurait dû apporter une réponse robuste et ambitieuse, à la hauteur des engagements nationaux et européens ».
Depuis le 13 novembre 2021 et jusqu’au 12 décembre 2021, le programme stratégique national fait l’objet d’une consultation publique. La version définitive devra être transmise à la Commission européenne pour évaluation début 2022 ; l’application de la nouvelle PAC est attendue dès le 1er janvier 2023.
Accéder à la consultation ICI
(1) La future PAC renforce ses exigences environnementales. Cette ambition s’inscrit dans le « pacte vert » pour l’Europe, présenté en 2019, et dans la stratégie « de la ferme à la table » d’octobre 2020, visant à une neutralité climatique à l’horizon 2050. Chaque Etat membre est tenu d’élaborer un programme stratégique national (PSN) précisant les principales orientations et options retenues et de le présenter à la Commission européenne. La France a retenu cinq axes prioritaires dans son projet de PSN, dont la transition agro-écologique.
(2) CGEDD : Conseil général de l’environnement et du développement durable