Les formations
Accédez au catalogue de nos formations en présentiel et distanciel
Visiter le site
Revue | Janvier 2024

Article 151 septies du CGI : appréciation des seuils pour les activités de travaux agricoles

277178
En bref :

Pour rappel, pour apprécier les seuils d’exonération du régime de l’article 151 septies du CGI, les recettes à prendre en compte pour l’appréciation des limites sont généralement les recettes d’exploitation proprement dites augmentées des recettes accessoires.

Il est donc en principe, fait abstraction des produits financiers et des recettes exceptionnelles, notamment celles provenant de la cession d’éléments de l’actif immobilisé (BOI-BIC-PVMV-40-10-10-20).

La qualification de recettes exceptionnelles peut soulever des difficultés s’agissant des activités de travaux agricoles comme en attestent les deux décisions précitées, les juges semblant, en effet, en désaccord sur la notion de recettes exceptionnelles.

Dans les deux affaires, il s’agissant d’une SARL de travaux agricoles à l’IR dont l’intégralité du capital est détenue par deux époux. Les sociétés ont toutes les deux cédées à plusieurs reprises du matériel agricole entre 2015 et 2017 et ont placé les plus-values réalisées sous le dispositif d’exonération de l’article 151 septies du CGI.

L’administration fiscale a alors remis en cause le bénéfice de cette exonération au motif que ces cessions étaient récurrentes. Elles ne constituaient donc pas des recettes exceptionnelles, mais des produits réguliers se rattachant à son activité professionnelle normale et courante. Elle a donc réintégré le produit de ces ventes dans les recettes annuelles à prendre en compte pour l’appréciation du respect des seuils de l’article 151 septies du CGI.

Quant à eux, les époux AE estimaient que le produit de ces cessions d’actifs immobilisés était comptabilisé en produit exceptionnel et que par conséquent, il ne devait pas être pris en compte dans les recettes pour la détermination du seuil. Ils ont alors saisi la juridiction administrative.

La même question a alors été posée à la CAA de Douai et au TA de Paris : le produit des ventes de matériel agricole relève-t-il d’une activité exceptionnelle ou de l’activité courante de la société de travaux agricoles ?

S’agissant du TA, ce dernier considère tout d’abord que le traitement comptable de ces cessions n’est pas à lui seul déterminant pour apprécier si lesdites ventes se rapportent à une activité exceptionnelle de la société, contrairement à l’argument avancé par le contribuable.

Faisant donc abstraction du traitement comptable de ces cessions, le TA accorde plus d’importance à l’activité en elle-même. Il se base alors sur l’objet social qui comporte non seulement la réalisation de tous travaux agricoles et d’entretien d’espaces verts mais aussi « toutes autres prestations et opérations commerciales, industrielles, immobilières, financières pouvant se rattacher directement ou indirectement à l’objet social ».

Par ailleurs, il relève que la société a indiqué procéder de manière systématique à un renouvellement du matériel, en particulier des moissonneuses-batteuses, « matériel clé », tous les 4 à 5 ans, afin de disposer de matériel sous garantie et plus performant.

Il estime alors que ces ventes récurrentes s’inscrivent dans son modèle économique et rentre dans le cadre de l’activité courante de la société, et donne ainsi raison à l’administration fiscale.

La CAA de Douai confirme le raisonnement du TA s’agissant de la non-incidence du traitement comptable des produits issus de telles cessions : l’article 151 septies du CGI ne permet pas l’exclusion d’une recette au motif qu’il s’agirait d’une recette exceptionnelle au sens du plan comptable général que les sociétés sont tenues de respecter (CGI, annexe III, article 38 quater).

Néanmoins, la CAA de Douai n’a pas le même avis que la TA quant à l’appréciation du caractère exceptionnel de la cession du matériel agricole dans le cadre de l’activité de travaux agricoles.

A ce titre, elle rappelle tout d’abord que l’administration fiscale admet elle-même que : « pour l’appréciation des seuils de recettes prévus à l'article 151 septies du CGI, il est fait abstraction des produits financiers (...) et des recettes exceptionnelles, notamment celles provenant de la cession d’éléments de l’actif immobilisé. » (BOI-BIC-PVMV-40-10-10-20). Elle considère que cette doctrine constitue une interprétation formelle de la loi fiscale au sens de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

A notre sens, ce seul argument tiré de la doctrine administrative aurait suffi à remettre en cause les redressements.

Pour autant, la CAA de Douai ne s’arrête pas là et relève que :

  • les matériels agricoles cédés en 2015 et en 2016 s’inscrivent dans le cadre d’une opération de renouvellement, de nouveaux matériels ayant été acquis à la même période,
  • et le montant annuel global des cessions opérées depuis 2008 a varié notablement, selon la nature des matériels cédés.

Elle en déduit que la cession du matériel procède d’une gestion patrimoniale des actifs de la société qui ne s’inscrit pas dans le cadre de son activité normale et courante. Par conséquent, il s’agit bien de recettes exceptionnelles qui ne sont pas à prendre en compte pour l’appréciation du seuil d’exonération, et remet en cause le redressement opéré par l’administration fiscale.

Au final, il apparait que ces deux solutions ne sont pas en soi si contradictoires compte-tenu des faits :

  • dans l’affaire soumise au TA, il s’agissait d’un renouvellement récurrent du matériel (tous les 4-5 ans) avec des prix de revente anticipée (entre 150 000 et 280 000 euros) ;
  • dans l’affaire soumise à la CAA, le renouvellement était, semble-t-il, occasionnel, et les montants, plus aléatoires (entre 45 000 et 550 000 euros).

 

Pour autant, il n’en reste pas moins qu’il s’agit dans tous les cas de cession d’immobilisations. Cette différence de traitement ne devrait pas avoir lieu d’être compte-tenu de la prise de position de l’administration fiscale dans ses commentaires relatifs au régime de l’article 151 septies du CGI.

Avec ces deux décisions, et le rehaussement par la LF 2024, des seuils d’exonération dans le cadre d’une cession d’entreprise agricole ou d’une cession de matériels, on peut s’attendre à ce que l’administration fiscale vienne prochainement modifier ses commentaires sur ce point. A suivre donc…