Erreur comptable délibéré – revirement de jurisprudence ?
Pour rappel, afin de délimiter le droit de l’administration de rectifier les déclarations et celui des contribuables de corriger ou demander à rectifier ces mêmes déclarations, la jurisprudence opère une distinction entre :
- les décisions de gestion lorsque la loi ouvre une faculté de choix au contribuable entre plusieurs solutions fiscales : ces décisions ne peuvent être rectifiées ni à l’initiative du contribuable, ni à celles de l’administration (CE, 11 février 1994, n° 117302) ;
- les erreurs lorsque la solution retenue par le contribuable n’est pas conforme à loi : ces erreurs peuvent être rectifiées par l’administration fiscale dans la limite du délai de reprise ou sur demande du contribuable (CE, 6 mai 1996, n° 135283).
Pour autant, toutes les erreurs ne peuvent être corrigées à l’initiative du contribuable. La jurisprudence considère que certaines erreurs, appelées erreurs comptables délibérées (ou décisions de gestion irrégulières), sont opposables au contribuable, qui ne peut donc les corriger, contrairement à l’administration (CE, 12 mai 1997, n° 160777).
En l’espèce, suite à une vérification de comptabilité d’une société, l’administration fiscale a estimé que le solde créditeur du compte courant de l’un des deux associés constituait un passif injustifié devant être réintégré au bénéfice. La société a tenté alors de justifier la réalité de ce passif et de l’identité du créancier, en soutenant :
- dans un premier temps, qu’il s’agissait d’un prêt consenti par l’un de ses associés pour financer l’acquisition d’un ensemble immobilier ;
- puis, dans un second temps, qu’il s’agissait de sommes avancées par un autre associé et gérant provenant d’un compte non déclaré en Suisse.
Le juge d’appel a, alors, fait remarquer que même si la dette de la société envers l’un de ses associés était réelle, la comptabilisation a été réalisée au profit d’un titulaire autre que la partie versante. Une telle erreur ne peut donc être considérée comme étant une erreur comptable involontaire pouvant donner lieu à une rectification à l’initiative de la société.
Cette analyse est validée par le Conseil d’Etat, ce dernier estimant que la société avait délibérément omis de faire figurer la dette correspondante au passif de son bilan et qu’elle ne pouvait alors solliciter la correction de cette omission.
En outre, le Conseil d’Etat valide aussi l’application de la pénalité pour manquement délibéré (CGI, article 1729), dès lors que « le gérant ne pouvait ignorer la provenance réelle de la somme comptabilisée au crédit du compte-courant d’associé […] et sur ce que le maintien au passif du bilan pendant plusieurs exercices successifs d’une dette non justifiée d’un montant important ne pouvait être regardé comme une simple erreur commise de bonne foi ».
On peut se demander si cette décision est opportuniste, voire punitive, ou bien constitue un revirement de jurisprudence. En effet, le Conseil d’Etat a, auparavant, jugé que la nature de l’erreur importe peu lorsqu’elle n’a pas eu pour conséquence d’augmenter l'actif net de l’entreprise : tel est le cas lorsqu’une société a commis une erreur en faisant passer une dette - auprès d’un même créancier – d’un compte au passif à l’ouverture de l’exercice à un autre compte au passif à la clôture (CE, 25 mars 2013, n° 355035).
Or, en l’espèce, les juges n’ont pas remis en cause la réalité de la dette, ni son montant. L’erreur consistait en l’inscription d’une dette au compte courant d’un associé autre que le réel créancier n’entraînant pas, par conséquent, d’augmentation de l’actif net de la société. Pour autant, la demande de la société a été rejetée...
et de la société. Pour autant, la demande de la société a été rejetée...