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Revue | Septembre 2021

Preuve de la participation par les héritiers du preneur

Cass. 3ème civ., 18 février 2021, n° 19-26565
En bref : Pour obtenir la continuité du bail en application de l’article L 411-34 CRPM, il convient de justifier d’une participation effective et continue aux travaux agricoles au cours des 5 années antérieures au décès.

En cas de décès du preneur, le bail ne s’éteint pas automatiquement. En effet, le bail continue au profit des personnes suivantes :

  • Le conjoint ou le partenaire de PACS du défunt,
  • Les ascendants du défunt,
  • Les descendants du défunt.

Mais sous réserve qu’ils participent ou aient effectivement participé à l’exploitation au cours des 5 années précédant le décès.

 

Dans la présente affaire, le titulaire du bail est décédé, laissant pour lui succéder son frère, sa sœur, sa mère et sa partenaire de PACS. Suite à ce décès, le bailleur a demandé la résiliation du bail sur le fondement de l’article L 411-34 CRPM.

 

Il appartenait ainsi à la partenaire de l’exploitant défunt de démontrer l’exploitation des biens au cours des 5 années précédant le décès afin de bénéficier de la continuité du bail.

 

Cette dernière avait alors fourni des attestations de tiers faisant état d’interventions de sa part :

  • Présence dans les champs pour le suivi des cultures et avec les bêtes dans les pâtures,
  • Présence dans les champs autour du cheptel, transfert de personnel de la ferme au champs, transport d’intrants pour les semis et les cultures,
  • Attestation indiquant qu’elle secondait l’exploitant pour les travaux des champs, le troupeau et le tour des plaines,
  • Travail dans les champs de betteraves.

De leur côté, les bailleurs avaient produit des documents comptables de l’exploitation, démontrant que l’exploitant avait eu recours aux services de prestataires de travaux agricoles de manière importante les années précédant son  décès. Recours en nette progression au fil du temps malgré une superficie d’exploitation constante.

Des attestations avaient été également produites, réalisées par des exploitants voisins, venant infirmer la participation aux travaux de la partenaire.

Au regard des divergences des attestations produites par les parties, la Cour d’appel a considéré que celles produites par la partenaire justifiaient de tâches administratives ou de surveillance, sans démontrer une participation effective et continue aux travaux agricoles. L’absence de preuve de la fréquence des travaux a également été un argument défavorable à celle-ci.

Par conséquent, la Cour d’appel a validé la demande de résiliation du bailleur. La Cour de cassation a confirmé l’arrêt dès lors que les juges d’appel avaient suffisamment analysé la valeur et la portée des pièces produites par les parties.

Cette décision démontre que la preuve de la participation, au sens de l’article L 411-34 CRPM, n’est pas si aisée. Il était en effet accepté jusqu’à présent que la participation ne soit pas continue au cours des 5 années précédant le décès. Par cet arrêt, la Cour de cassation s’avère plus sévère puisqu’elle retient qu’il incombe de démontrer une participation effective et continue, distincte d’un concours occasionnel.

Notons que le fait que la partenaire du défunt ait une activité extra-agricole n’a pas été un argument retenu en sa défaveur. En effet, l’exercice d’une autre activité ne fait pas obstacle à la poursuite du bail, dès lors qu’il est démontré l’existence d’une participation aux travaux de l’exploitation.

 

Cass. 3ème civ., 18 février 2021, n° 19-26565

« Enoncé du moyen

5. Mme A... et les consorts D... font grief à l'arrêt de valider l'acte de résiliation de bail à effet au 31 décembre 2015 et d'ordonner la libération des lieux, alors :

« 1°/ qu'au décès du preneur, le bail continue au profit de son conjoint et de ses descendants s'ils participent à l'exploitation ou y ont participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès ; qu'en prenant en considération, pour estimer que la preuve d'une participation effective de Mme A..., liée par un pacte civil de solidarité à M. V... D..., à l'exploitation de ce dernier n'était pas rapportée, le deuxième exercice de l'année 2014 effectuée par Mme A... en qualité de continuateur du bail, la vente par celle-ci en 2018 de matériel agricole et son absence de production de documents comptables afférents aux exercices 2015 à 2018, soit des évènements postérieurs au décès de M. V... D... survenu le [...], la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants et a violé l'article L. 411-54 du code rural et de la pêche maritime.

2°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en écartant la force probante des six attestations de MM. O..., Y... et de Mmes S..., N... et O... produites par Mme A... au motif qu'elles rendent compte de tâches administratives ou de surveillance et ne précisent pas avoir personnellement vu Mme A... accomplir des travaux agricoles, ni la fréquence de ceux-ci quand M. O... atteste l'avoir vue «
dans les champs pour le suivi des cultures et avec les bêtes dans les pâtures », que M. Y... atteste « l'avoir souvent aperçue visitant les champs avec M. V... D..., s'affairant autour du cheptel en fermage, transférant du personnel de la ferme au champs, emportant les intrants nécessaires au semis et à l'entretien des cultures
», que Mme S... atteste que « Mme D... C... secondait V... pour les travaux des champs, ainsi que pour le troupeau, tours de plaine » et enfin que Mme N... atteste avoir « souvent vue Mme D... dans les champs arrangeant les betteraves montées. Elle mettait aussi de l'eau aux bêtes avec V... pour maîtriser le troupeau », constatations dont il ressort une participation effective et fréquente de Mme A... aux travaux agricoles, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ces attestations et aurait violé le principe précité.

3°/ que le silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas, à lui seul, reconnaissance de ce fait ; qu'en déduisant que Mme A... occupait avant le décès de M. V... D... une activité extra-agricole du seul fait que les intimés ne le contestent pas, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Ayant analysé la valeur et la portée des éléments produits par les parties, la cour d'appel, qui ne s'est pas exclusivement fondée sur le recours massif à des entreprises prestataires de travaux agricoles, ni sur l'exercice, par la prétendante à la poursuite du bail, d'une activité extérieure à la ferme, a retenu souverainement, sans dénaturation des attestations versées aux débats, que les héritiers du preneur décédé ne rapportaient pas la preuve, qui leur incombait, d'une participation effective et continue, distincte d'un concours occasionnel, de Mme A... à l'exploitation de V... D... au moment de son décès ou au cours des cinq années l'ayant précédé.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi »