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Avril 2021

Vers un renforcement de la loi EGalim 

La loi EGalim n’a pas tenu toutes ses promesses, aussi le Gouvernement entend bien faire bouger les lignes, rééquilibrer le rapport de forces entre producteurs et distributeurs et mettre fin à ce jeu de dupes des négociations commerciales annuelles.

Les dernières négociations commerciales ont clairement montré de fortes tensions entre producteurs, transformateurs et distributeurs particulièrement dans la prise en compte de l’augmentation des coûts de production dans un certain nombre de filières agricoles. Le comité de suivi des négociations commerciales du 29 janvier dernier faisait même état de plusieurs points « inquiétants » ce qui avait conduit le Gouvernement à  prendre plusieurs dispositions : renforcement des contrôles menés par la DGCCRF, renforcement de la médiation, lancement d’une adresse électronique pour signaler des prix ou étiquetages anormaux.

Dans ce bras de fer, l’intervention de la puissance publique a certes permis des avancées « même si les hausses passées, en particulier en matière de produits à forte composante agricole, n’étaient pas au niveau nécessaire pour couvrir l’augmentation des cours de matières premières agricoles », confiait le ministre de l’Agriculture, le 24 mars. Le médiateur des relations commerciales agricoles a par ailleurs été saisi par une quarantaine d’entreprises qui n’ont pu faire aboutir les négociations dans les délais impartis (1er mars). De même, les contrôles de la DGCCRF, qui ont été intensifiés durant cette période de négociations, ont démontré que certaines dispositions de la loi EGalim adoptée en 2018 et issue des Etats généraux, n’étaient pas encore totalement appliquées, notamment celles relatives aux indicateurs des coûts de production. D’autres contrôles sont toujours en cours pour vérifier la caractérisation de prix anormalement bas, notamment dans la viande de porc.

Ces constats montrent la nécessité de réfléchir sur les outils à développer à moyen terme pour faciliter ces négociations et sortir de la confrontation. Les agriculteurs doivent pouvoir vivre de leur métier, c’était l’objet de la loi dite EGalim. Sans une juste rémunération, il n’y aura pas de renouvellement d’agriculteurs ce qui à terme pose le problème de la souveraineté alimentaire de la France.

Les recommandations du rapport Papin

Le chantier de la réforme a donc été lancé. Une première pierre a été posée avec la remise du rapport de Serge Papin, ex-PDG de Système U. Ce dernier s’était vu confier, en octobre 2020, « la mission de médiation et de conciliation concernant le bilan de la loi EGalim et la nécessité de mieux rémunérer les agriculteurs dans la chaîne de valeur agricole ». Il en ressort globalement un même constat partagé par les parties prenantes auditionnées: « la loi EGalim de novembre 2018 contient de réelles avancées, notamment en matière de contractualisation et de l'inversion de la construction du prix à partir d'indicateurs de coûts de production ». Mais l’auteur du rapport analyse également les limites du cadre réglementaire actuel ainsi que les blocages toujours observés entre les acteurs de la chaîne. Pour lui, « les plus forts et les mieux organisés, en l’occurrence la grande distribution et les grandes entreprises, sont les gagnants du système actuel (…).Les agriculteurs, moins bien organisés et moins bien équipés pour la négociation, sont le maillon faible de la filière ».

Sa principale recommandation est de garantir la « marche en avant du prix » dans un cadre pluriannuel. « Le principe de la contractualisation des matières premières agricoles dans le cadre du contrat commercial est avant tout celui du contrat entre le producteur et l’industriel de première transformation. Il faut rendre ce dernier obligatoire ». Quant au prix, il doit être basé sur une référence acceptée par les deux parties. Cette référence prendrait appui sur les indicateurs de coûts de production interprofessionnels ou l’indicateur de FranceAgriMer. Serge Papin recommande de faire auditer ces indicateurs de prix par un auditeur privé afin « d’en valider le caractère universel, objectif et indiscutable ». Pour les produits à forte composante agricole, ces indicateurs de prix de référence doivent prévoir des clauses mécaniques d’indexation du prix basées sur la hausse ou la baisse des intrants qui ont un impact sur le prix de la matière première agricole. Le rapporteur propose aussi que les contrats, (producteurs/transformateur et transformateurs/distributeurs) soient à l’avenir conclus pour une période de 3 ans renouvelable, voire sur une période de 6 ans en cas d’investissements industriels importants.

En outre, pour rendre les relations commerciales plus transparentes, le rapport préconise la mise en place d’un système permettant le partage d’informations confidentielles avec un tiers de confiance. Ce dernier établirait « des indicateurs anonymisés afin de connaitre et de comprendre la création de la valeur dans la filière ». Serge Papin recommande aussi de renforcer les pouvoirs du médiateur ;  d’encourager les agriculteurs à se regrouper afin de peser sur les négociations et d’accélérer la transformation des coopératives. S’agissant des promotions de « dégagements » en lien avec des surplus de production, le rapport suggère que soit confiée aux interprofessions la gestion des périodes durant lesquelles ces promotions ont lieu. Et il propose d’interdire la publicité sur ces promotions  en dehors des magasins, que ce soit sur les prospectus, sur les sites internet ou encore les affiches et applis. Les autres mesures visent à revoir la politique des pénalités logistiques sur la livraison, renforcer la politique nutritionnelle des plus jeunes et identifier systématiquement l’origine France des ingrédients et des produits, y compris en restauration collective pour «favoriser le patriotisme agricole ».

Tous ces leviers contribueront avec les travaux de la commission d’examen des pratiques commerciales, ceux du conseil national de la consommation et l’évaluation de la loi EGalim confiée à des économistes à aller plus loin pour un partage équilibré de la valeur entre agriculteurs, industriels et distributeurs, commentait Agnès Pannier-Runacher, la ministre déléguée chargée de l’Industrie. Le Chef de l'Etat, lui-même, lors d’un déplacement en Côtes d’Or, le 23 février, avait annoncé un changement de loi sur la base des recommandations du rapport Papin.

A la lumière de tous ces éléments, un débat devrait donc s’engager au Parlement, reste à caler une date dans un agenda déjà chargé.

(1) Loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous

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