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Revue | Juin 2023

Evaluation des parts sociales d’un associé sortant : à quelle date l’expert doit-il se placer ?

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En bref : En cas de contestation sur l’évaluation des parts à la sortie d’un associé, à quelle date cet expert doit-il se placer ?

En 1996, Monsieur Y devient associé d’une société civile en achetant des parts sociales évaluées à 1 630 €/part. Un an plus tard, il notifie à la société sa volonté de se retirer.

En 1998, lors d’une assemblée générale (AG), les associés de la société prennent acte du retrait de l’associé de la société et de sa démission. L’AG fixe la valeur de la part sociale à 2 280 € et procède au remboursement de la valeur des parts due à l’associé sortant en plusieurs échéances. La dernière échéance intervient en 2002.

L’associé retrayant conteste la valorisation des parts et obtient en 2009, une ordonnance du juge nommant un expert chargé de procéder à une évaluation des parts sociales.

Ce dernier rend son rapport en 2012 et évalue les parts de la société à 48 500 € en se basant sur les comptes clos au titre des exercices 2009 et 2010, soit plus de 10 ans après l’AG ayant statué sur la sortie de l’associé de la société !

L’associé retrayant a assigné la société en paiement du complément dû sur la base du rapport de l’expert.

La Cour d’appel a annulé le rapport d’expertise en relevant tout d’abord que l’article des statuts de la société prévoit qu’en cas de retrait d’un associé « La valeur retenue est celle déterminée par le Règlement Intérieur. A défaut, elle est fixée par l'Assemblée des Associés qui statue sur la démission ou qui ratifie l’acceptation donnée par la gérance. En cas de contestation, la valeur est déterminée à dire d'Expert, comme indiqué ci-dessus en matière de cession ».

Pour les juges d’appel, c’est la date à laquelle la décision acceptant la démission de l’associé est intervenue que l’expert aurait dû se placer pour évaluer les parts de l’associé retrayant, soit en 1998.

Selon l’interprétation faite par la Cour de cassation, il résulte des articles 1843-4 et 1869 du Code civil, qu’en l’absence de dispositions contraires des statuts, la valeur des droits sociaux de l’associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ces droits, auquel il est procédé selon les modalités prévues, le cas échéant, par les statuts, sans préjudice du droit pour l’associé qui conteste cette valeur, de la faire déterminer, à la date du remboursement ainsi effectué, par un expert désigné dans les conditions prévues par le premier de ces textes.

Pour la Cour de cassation, la Cour d’appel a fait une lecture extensive des Statuts en considérant que dès lors que ces derniers prévoyaient qu’il revenait à l’AG statuant sur la sortie de l’associé de fixer la valeur des parts, c’est à cette même date que l’expert devait se placer en cas de contestation pour procéder à son évaluation, soit en l’espèce en 1998.

Or, pour la Cour de cassation, il est nécessaire que les Statuts prévoient spécifiquement la date à laquelle l’expert doit se placer en cas de contestation.

En l’espèce, rien n’était spécificité, l’expert devait se placer à la date à laquelle le remboursement était intervenu, soit en 2002.

La Cour de cassation relève que l’expert qui s’est basé sur les comptes de 2009 et 2010 a commis une erreur grossière.

Par conséquent, à quelle date se référer ?

Si les Statuts prévoient expressément la date à laquelle l’expert doit se placer pour évaluer les parts, c’est cette date qui doit être retenue. En revanche, en l’absence d’une mention claire dans les Statuts, l’expert doit se placer à la date à laquelle les titres ont été remboursés.

En l’espèce, le remboursement de la valeur des parts sociales avait été échelonné et le dernier versement avait eu lieu en 2002. C’est donc en 2002 que l’expert aurait dû se placer pour procéder à son évaluation de la valeur des parts sociales.

Il convient donc d’être très prudent lors de la rédaction des Statuts ou d’une convention liant les parties dès lors que celles-ci souhaitent prévoir spécifiquement une date à laquelle se placer pour procéder à une évaluation de parts sociales.